Michel DEZA                                                    4 juillet 1998
17 passage de l'Industrie, 75010 PARIS; Téléphone et Fax: 0147703673
Mathématicien, Directeur de Recherche au CNRS (LIENS, Ecole Normale Supérieure)

Monsieur le Directeur de CAPITAL

Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint un texte que je vous adresse pour publication dans le courrier des lecteurs:

Capital de juin et juillet contient des articles concernant la recherche scientifique et la fonction publique. On remarquera que les salaires des chercheurs (18000 F nets mensuels pour un chargé de recherche docteur d'Etat avec 25 ans d'expérience professionnelle) sont modestes, vu leur qualification, par rapport a l'ensemble des grilles de la fonction publique. La situation des personnels de la recherche s'est sérieusement dégradée dans les années 80 et 90 au benefice d'une nomenklatura de "directeurs", "administrateurs", "cooordinateurs"... qui ne cesse d'accumuler pouvoir, avantages et passe-droits. Privés dans la pratique de leur autonomie statutaire, les chercheurs sont de plus en plus exposés à des discriminations, mises au placard, purges politiques et mainmises qui leur enlèvent au bénéfice de tiers leurs acquis professionnels et créations originales. Avec un statut "du privé", de telles mesures aboutissent au licenciement pur et simple, voir l' "affaire François Schächter" évoqué par la revue britannique Nature en févier dernier (vol. 391 , p. 727). Cette dérive, difficilement supportable, est l'une des raisons de la "fuite des cerveaux" récemment évoquée par de nombreux médias.

La situation deviendrait-elle meilleure si on supprimait le statut de fonctionnaires des chercheurs scientifiques? Le contraire est bien à craindre car, s'agissant d'établissements de l'Etat, les hiérarches conserveraient ce statut. Dans les nombreux litiges qui ont opposé ces dernières années des chercheurs scientifiques à leur hiérarchie, le statut de la Fonction Publique a souvent permis d'éviter les pires arbitraires. L'existence d'un grave problème de fond est évidente, mais il faut se méfier des solutions simplistes. Il me semblerait opportun qu'une commission d'enquête parlementaire examine l'ensemble des établissements scientifiques.

Je vous prie de recevoir l'expression de toute ma considération.

                      Michel DEZA