31 janvier 1999

Michel DEZA
Téléphone et Fax: 0147703673
Mathématicien et Informaticien, Directeur de Recherche au CNRS
17 passage de l'Industrie, 75010 PARIS

Luis GONZALEZ-MESTRES
Téléphone et Fax: 0145830720
Physicien, Chargé de Recherche au CNRS
17 rue Albert BAYET, appartement 1105, 75013 PARIS

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RECOMMANDE A.R. - PERSONNEL ET CONFIDENTIEL

à Monsieur Claude ALLEGRE,

Ministre de l'Education Nationale, de la Recherche et de la Technologie

Monsieur le Ministre,

Comme vous le savez par de nombreux dossiers, la situation de la Recherche Scientifique connaît des avatars de plus en plus incompatibles avec le respect du travail, de la création, de la dignité des personnes et des Droits de l'Homme. Au point que des procédures psychiatriques ont été mises en oeuvre contre des chercheurs jugés "contestataires" à cause de leur indépendance d'esprit. De façon plus générale, les agents des établissements scientifiques sont depuis deux décennies victimes d'un nombre croissant d'arbitraires, blocages, pratiques insidieuses et voies de fait matérielles tendant notamment à les priver de leurs moyens de travail, à les isoler de leur milieu professionnel et à destabiliser leur activité professionnelle. Ce gâchis, qui affaiblit et met en danger le potentiel scientifique du pays et porte atteinte à la renommée internationale des institutions, semble avoir pour seul objectif d'affirmer le pouvoir de hiérarchies et administrations que des rapports et des interventions d'instances de contrôle diverses (jusqu'à la justice pénale) mettent en cause de plus en plus souvent.

Nous nous interrogeons sur les conséquences graves de ces dysfonctionnements, sur les causes profondes de leur impunité apparente et sur les mesures concrètes que votre Ministère envisage pour éliminer ce germe de décomposition de l'Etat. Avec des collègues, nous projetons d'écrire un livre consacré à deux problèmes de la recherche scientifique, technologique et médicale qui nous apparaissent indissociables: le harcèlement professionnel de personnels, souvent à cause de leurs opinions, et les dérives apparues dans le comportement de la hiérarchie. Aussi, nous sollicitons votre compréhension bienveillante et vous demandons de bien vouloir, si vous le souhaitez et dans la mesure du possible, répondre aux questions suivantes:

- L'Etat s'est-il constitué partie civile dans l'affaire de l' Association pour la Recherche sur le Cancer, ARC, qui semble avoir conduit à de nombreuses mises en examen? Les admi- nistrations concernées (établissements, Ministères...) ont-elles de leur propre initiative envoyé au Procureur de la République tous les documents en leur possession intéressant cette affaire? Indépendamment des responsabilités pénales qui ont pu être encourues, a-t-on mené des enquêtes sur le plan administratif et disciplinaire, y compris sur les campagnes de signatures qui en 1994 et 1995 ont impliqué des membres de la hiérarchie ou sur le fait que Monsieur J. CROZEMARIE se soit présenté publiquement comme une "Conseiller du Directeur Général du CNRS pour la Recherche sur le Cancer"? En tant que Ministre de tutelle, avez-vous personnellement vérifié l'état du dossier? A quelles persécutions contre des chercheurs fait allusion la page 14 du Courrier du CNRS de mars 1998 à propos du "scandale de l'ARC"?

- Avez-vous des démentis à formuler concernant le livre de Jean MONTALDO "Main basse sur l'or de la France" (Albin Michel, 1998)? Le bilan est-il aussi catastrophique que le prétend l'auteur de ce livre, a-t-on mené des enquêtes administratives sur cette affaire, existe-t-il un rapport récent? L'auteur du livre a-t-il été attaqué en diffamation par vous, par votre Ministère ou par d'autres autorités? Le BRGM a-t-il été placé sous votre tutelle ministérielle, si oui à quelle date et pour quelle raison? Le reste-t-il à ce jour? Quel est l'état actuel du dossier du BRGM et des mines situées autour de Yanacocha? A combien évaluez-vous les pertes de la France dans cette affaire, a-t-on pu préserver une parcelle des intérêts français?

- Quelle est votre appréciation: a) sur l'affaire "D'ANCONA c/ CNRS" jugée en 1998 défavorablement pour le CNRS par le Tribunal Administratif de Marseille; b) sur le fait qu'un grand bâtiment ait été construit en 1992 à Luminy avec des crédits multiples alors qu'il était notoire que la Laboratoire de Physique Corpusculaire du Collège de France, protagoniste prévu de l' "opération structurante du CNRS" qu'il devait héberger, n'allait pas déménager à Marseille; c) sur le rôle, dans cette affaire, du directeur du Centre de Physique des Particules de Marseille de l'époque, Monsieur Jean-Jacques AUBERT, à qui vous venez de confier une importante mission et que vous envisageriez de nommer à la direction de l'IN2P3?

- Le Ministère chargé de la Recherche a-t-il mené une enquête sur les échanges immobiliers intervenus entre le CNRS et la société TOTAL en 1992-93, comme l'avaient demandé des courriers adressés au Gouvernement (e.g. par l'Association SOS Recherche) suite à des critiques parues dans la presse? Quelles sont, le cas échéant, les conclusions de cette enquête? Nous sommes surpris de constater la lenteur avec laquelle il est procédé au réaménagement d'un bâtiment dont la Société TOTAL a pris possession pendant l'été 1993 (l'ancien siège du CNRS, au 15 Quai Anatole-France), ce qui nous apparaît comme un gaspillage de sa valeur locative. Les rumeurs ayant prévu en 1992-93 l'attribution de l'ancien siège du CNRS au gouvernement Allemand dans le cadre d'un échange diplomatique avaient-elles un quelconque fondement? La Société TOTAL aurait-elle, dans une telle hypothèse, pu jouer un rôle d'intermédiaire?

Nous vous remercions d'avance de votre attention bienveillante et vous prions de recevoir l'expression de notre haute considération.

M. DEZA
L. GONZALEZ-MESTRES

Adresse Postale: Michel DEZA, 17 passage de l'Industrie, 75010 PARIS