Michel DEZA Chercheur en Mathematiques et Informatique, Directeur de Recherche au CNRS LIENS, DMI, Ecole Normale Superieure, Paris Syndique SNTRS-CGT http://www.dmi.ens.fr/~deza 6 decembre 1998 QUAND LES CHERCHEURS SONT DEFENDUS PAR LEURS ORGANISATIONS SYNDICALES La grogne des chercheurs a la base est preoccupante: alors que la situation dans les laboratoires est devenue de plus en plus conflictuelle, on fait de moins en moins confiance aux organisations syndicales pour defendre ses interets. Plutot que la syndicalisation, le durcissement des relations entre les chercheurs et ceux qui les gerent a amene la desyndicalisation. La precarite n'a pas, non plus, amene un courant syndical, mais plutot le contraire. Raison: alors que la repression decimait les sections locales les plus combatives, certaines organisations syndicales sont apparues de plus en plus, depuis les annees 80, comme des syndicats proches des pouvoirs "de gauche", comme des organisations de directeurs et de gens "bien places"... De plus en plus, les comites de liaison syndicaux ou intersyndicaux, les reunions syndicales nationales, ont tendance a "se debarrasser des problemes des labos" pour discuter de "politique de chefs" dans laquelle on recherche invariablement le soutien de tel ou tel secteur de la "nomenklatura" scientifique. Impossible, dans ces conditions, d'attaquer "la direction" et il faut bien lui sacrifier les "problemes des labos"... Or, c'est precisement a la base, dans la vie des laboratoires, que se joue tous les jours l'avenir de la recherche scientifique. C'est dans les conflits locaux qu'a lieu le debat reel sur son fonctionnement. Rien d'etonnant donc a ce qu'un certain syndicalisme, sous l'emprise de reseaux d'influence et surveille par les "commissions recherche" de partis politiques ou se trouvent bien representees la hierarchie scientifique et son administration, eprouve de plus en plus de peine a coller a la realite des soucis des chercheurs. Seules l'inertie, l'etiquette d' "organisation representative des personnels", les incertitudes qu'amenerait inevitablement la mise en place d'une nouvelle organisation, les mefiances... protegent de tels "syndicats". Situation dangereuse, qui peut faire le lit du pire. A fortiori lorsqu'on voit des elus sur liste syndicale participer a l'adoption de mesures graves contre leurs collegues ou soutenir des mises en restructuration de laboratoires contre les personnels des unites concernees. Ou lorsque, peu apres avoir exerce un mandat syndical, des collegues deviennent des "directeurs" haut places et se servent de leurs relations dans le milieu syndical et politique pour pratiquer impunement une politique que les organisations syndicales sont censees condamner et dont elles devraient empecher la mise en oeuvre. La desyndicalisation apparait d'autant plus logique que, ne pouvant pas rencontrer un soutien - ni, parfois, etre entendus - dans les reunions syndicales nationales, et se voyant encourages par les responsables syndicaux a arrondir les angles avec leur hierarchie, les chercheurs finissent par "regler eux-memes leurs problemes", soit, se passer de l'action syndicale. En meme temps, ayant evacue les "problemes des laboratoires" de leurs discussions, les reunions syndicales nationales se retrouvent videes de leur contenu et deviennent des chambres parapolitiques destinees a discuter du soutien a tel ou tel groupe ministeriel ou de pression, ou du contraire. Dans un tel contexte, je dois exprimer publiquemnt ma profonde reconnaissance envers le soutien et l'aide permanente que j'ai toujours, depuis le debut de l' "affaire DEZA" en 1992 , recu, sans la moindre faille ni hesitation, de mon syndicat, le SNTRS-CGT. Ce soutien m'a ete precieux pendant ma greve de la faim (voir l'Humanite des 14, 19, 22, 23 et 24 janvier 1998), mais egalement par la suite et tres recemment. Alors que la Direction de mon laboratoire, le LIENS (Laboratoire de Mathematiques et Informatique de l'Ecole Normale Superieure) tentait de me presenter comme un chercheur sans affectation ou affecte a la Delegation Regionale du CNRS (ce qui revenait au meme), le SNTRS-CGT a su obtenir de la Direction Generale du CNRS une declaration claire de mon appartenance au LIENS, document dont la teneur suit. Je souhaite que mes collegues de l'Intersyndicale du Laboratoire de Physique Corpusculaire du College de France, dont le combat est dans sa nature et son objet profond le meme que le mien, puissent rencontrer un soutien analogue de toutes les organisations syndicales devant une mise a la porte par des faits accomplis qui etouffe un rapport d'enquete diligente par le Ministere de tutelle. Le contraire ternirait gravement, et de facon difficilement reversible, l'honneur du syndicalisme dans le milieu scientifique. La cause des collegues du LPC est juste, et leur victoire essentielle pour l'avenir de la communaute scientifique. C'est, precisement, pourquoi ils sont ainsi attaques. Je me rejouis donc du soutien que vient de leur apporter le SNTRS-CGT a un moment particulierement difficile pour ces collegues: lettre de J. OMNES a C. ALLEGRE et C. BRECHIGNAC, qui suit egalement en annexe. Michel DEZA -------------------------------------------------------------------------- Lettre de C. BRECHIGNAC a J. OMNES du 30 novembre 1998 CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE LE DIRECTEUR GENERAL Paris, le 30 novembre 1998 a Monsieur Jean OMNES Secretaire General du SNTRS-CGT 25, rue de Chevreuse 91400 ORSAY Monsieur, En reponse a votre courrier du 29 octobre 1998, je vous precise que Monsieur MIchel DEZA est toujours affecte au Laboratoire d'Informatique de l'Ecole Normale Superieure (URA 1327) et non aupres de la Delegation Regionale de Paris B. Je vous prie d'agreer, Monsieur, l'assurance de toute ma consideration. Catherine BRECHIGNAC -------------------------------------------------------------------------- Lettre de J. OMNES a C. ALLEGRE et C. BRECHIGNAC du 3 decembre 1998 Lettre du SNTRS-CGT (Syndicat National des Travailleurs de la Recherche Scientifique) du 3 decembre 1998 - a Monsieur le Ministre de l'Education Nationale et de la Recherche - a Madame le Directeur General du CNRS Monsieur le Ministre, Vous connaissez le conflit genere par la restructuration du LPC du College de France. Votre Ministere a d'ailleurs designe une Commission pour etudier la situation. La Direction du LPC et l'administration du College de France continuent a commettre des actes graves que nous condamnons. Ainsi l'equipe de nos collegues, MM. MAILLARD et PARISI, ne peut plus acceder au systeme informatique a partir du College de France. Nous n'acceptons pas ces pratiques et demandons au Ministere et a la direction du CNRS d'intervenir pour que nos collegues puissent a nouveau acceder aux ordinateurs a partir du College de France. En esperant que notre requete sera entendue, Nous vous prions d'agreer, Monsieur le Ministre, l'expression de nos meilleures salutations. Jean OMNES, Secretaire General Copie a: - MM. COURTILLOT et GEISMAR (Ministere de la Recherche) - M. L'Administrateur du College de France --------------------------------------------------------------------------- (fin du deuxieme document et de ma note)